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PORTRAIT: Les mandalas d’Hubert
Par Florent Blanc. Hubert Dal Molin fait partie de ces amis de la paix dont on sait au premier regard que le sourire permanent cache des secrets et des histoires que l’on voudrait connaître. C’est pour ça que lorsqu’il a passé sa tète dans mon bureau il y a quelques jours à peine, j’ai sorti mon carnet mon crayon.
A l’Ecole de la paix, Hubert Dal Molin m’avait été présenté comme le-monsieur-qui-fait-des-mandalas. Certes, mais si seulement c’était aussi simple.
Hubert porte ses mandalas, littéralement puisqu’il trimbalait le jour de notre rencontre des petites boites contenant un sable de couleur. Du jaune, du vert, du blanc, du blanc cassé. Il m’explique que même le sable est maintenant importé de Chine. Son sourire traduit son amusement. La mondialisation des mandalas est pourtant une réalité historique qu’il m’explique avec intérêt. Mayas, Navajo, Egyptiens, et bien sûr Tibétains avaient comme coutume de représenter par des formes circulaires tracées en sable des représentations religieuses aux significations pas si différentes.
Mais que le sable vienne de Chine… S’il ne relève pas la relative incongruité pour la Chine de fabriquer et d’exporter même du sable pour tracer des symboles Tibétain, c’est que cela lui a peut-être échappé dans le foisonnement d’histoires que ses yeux renferment.
La mondialisation du mandala, Hubert en poursuit le récit et l’illustre par un souvenir. Lors d’un atelier qu’il animait dans une école de la Villeneuve de Grenoble, les parents avaient été invités à venir découvrir les réalisations de leurs petits. Un papa s’étant approché de la table sur laquelle les enfants travaillaient à déposer avec application du sable coloré, s’était étonné de la forme et des significations. Le lendemain, il revenait les bras chargé d’une tarte aux fruits. Pâtissier, il avait fait son mandala : une pate à tarte et des tranches de fruits colorés en guise de sable.
Comme tout mandala, celui du pâtissier avait été voué à la disparition, dispersé dans les estomacs des enfants de l’atelier. A un adulte qui demandait « bon à quoi ça sert ce bazar piske à la fin vous le foutez en l’air ? » (sic). Le môme d’à coté lui répond du tac au tac « on le fout pas en l’air, on l’offre. Si le mandala est éphémère, le bonheur que nous avons eu à le faire est éternel ». Hubert raconte que l’adulte a disparu depuis.
De son activité de sculpteur de sable, Hubert tire une réflexion sur la permanence et la capacité d’abandon. Ce qui est beau n’est pas forcément destiné à être approprié ni conserver. L’idée, me raconte-t-il avec malice, a encore du chemin à faire. On lui demande souvent comment il va conserver ces sculptures réalisées collectivement. Avec de la glue ? Sous verre ? Dans une vitrine ? Il s’amuse d’expliquer à chaque fois que ces mandalas sont toujours dispersées afin que les vœux qui sont faits puissent se réaliser.
L’idée qui anime Hubert Dal Molin c’est celle du changement, lui qui a choisi
de changer de vie. Représentant en matériel de construction, il a décidé, lors d’une étape de vie, de se faire sculpteur de cailloux. Il me raconte ce changement qui lui va bien avec un sourire et j’imagine les conversations qui ont du accompagner cette prise de décision. Les proches, la famille, les amis. La plus drôle ou ubuesque est celle qu’il a du avoir avec son conseiller ANPE, à l’époque.
Il a dû convaincre tout ce beau monde d’accepter son choix. Il est même parvenu à faire prendre en charge sa formation de sculpteur de pierre par l’assurance-chômage. Et puis il a poursuivi son apprentissage en observant les tailleurs de pierre. Ses mains portent les marques de son amour du burin et des cailloux qu’il ramasse dans les ruisseaux.
Et puis, parce qu’il fallait bien vivre, Hubert explique qu’il s’est mis en tète d’apprendre à d’autres ce qu’il aimait faire.
Les enfants se sont donc mis à tailler des cailloux de ruisseau. Le regard se pose sur les mains d’Hubert pour y déceler les traces qu’on s’attend à trouver sur les pognes de ceux qui taillent les pierres. Les doigts sont marqués mais plus par l’âge et la sagesse que par les cicatrices des tailleurs de pierre des images d’Epinal.
Hubert Dal Molin, du haut de ses 74 printemps, dévoile sa satisfaction quand un môme était venu le voir parce qu’il voulait réaliser un truc pour l’anniversaire de sa petite sœur. Caillou trouvé, le nom de la frangine avait été gravé sur cette pierre de montagne devenue la statuaire de l’amour fraternel et la marque de la capacité de ce petit homme à imprimer sa créativité sur la pierre. A la fin de l’exercice, le môme avait offert à Hubert cette déclaration, gravée depuis dans sa mémoire : « maintenant que je sais graver la pierre, je n’en jetterai plus sur un abribus ».
Les promesses sont-elles comme les mandalas ou plutôt à l’image cet amour que les petits avaient appris à graver ? On a oublié de poser la question à Hubert.
(Grenoble, mars 2012)
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